Face aux défis climatiques et sanitaires qui fragilisent la filière du café, une espèce oubliée refait surface : Coffea stenophylla. Redécouvert récemment en Sierra Leone, ce café ancien d’Afrique de l’Ouest présente à la fois une tolérance remarquable aux stress environnementaux et des propriétés organoleptiques appréciées. Encore marginal, il pourrait pourtant contribuer à refonder un modèle de production plus résilient et durable. Retour sur une redécouverte à fort potentiel agronomique.

Aux origines du Coffea stenophylla, un café d’exception tombé dans l’oubli
Le Coffea stenophylla communément appelé caféier à feuilles étroites est une espèce de caféier d’Afrique de l’ouest plus précisément des forêts tropicales humides de la Sierra Leone, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire.
Découvert au XIXe siècle par des explorateurs et botaniques européens, le Coffea stenophylla a rapidement su attirer l’attention pour sa qualité remarquable. En France, ses lots atteignent même des prix de marché particulièrement élevés. Pourtant, malgré ses qualités organoleptiques et sa bonne adaptation aux climats tropicaux de basse altitude, il finit par disparaître des radars, éclipsé par la montée en puissance du robusta, plus productif.
Une redécouverte cruciale face aux défis actuels de la filière du café
Depuis plusieurs années, la filière du café fait face à des menaces structurelles croissantes. Les deux espèces qui dominent largement la production mondiale, Coffea arabica et Coffea canephora (le Robusta), montrent une vulnérabilité accrue face aux effets du changement climatique, à la propagation de maladies comme la rouille du caféier (Hemileia vastatrix) et à la pression croissante des ravageurs. Cette dépendance à un nombre limité de variétés expose toute la filière du café.
Dans ce contexte, Coffea stenophylla fait figure de ressource génétique inespérée. Redécouvert récemment à l’état sauvage en Sierra Leone après plus d’un demi-siècle sans observation documentée, il intéresse la recherche agronomique. Classé parmi les espèces dites « apparentées aux cultures principales » (Crop Wild Relatives), stenophylla appartient à un groupe qui rassemble des espèces proches des cultivars commerciaux et présentant un fort potentiel de transfert de gènes utiles.
Des atouts agronomiques prometteurs pour l’avenir du café
Au-delà de son intérêt historique, Coffea stenophylla présente plusieurs caractéristiques agronomiques qui le distinguent des espèces cultivées actuelles.
Il est naturellement adapté aux basses altitudes (autour de 150 mètres). Autrement dit, il est plus tolérant à des températures élevées et à des conditions de faible pluviométrie. Ces paramètres sont critiques à l’heure du dérèglement climatique.
Historiquement cultivé dans des zones tropicales chaudes et humides de l’Afrique de l’Ouest, il a montré de bonnes performances agronomiques à Trinidad, au Sri Lanka, ou encore à Java.
De plus, certaines sources anciennes suggèrent une résistance naturelle à la rouille du caféier, sans que cela ait encore été confirmé par des essais systématiques. Cette tolérance, si elle se confirmait, constituerait un avantage considérable par rapport aux variétés arabica sensibles à cette maladie.
Faible rendement : un frein historique au développement de Coffea stenophylla
L’une des limites historiquement associées à Coffea stenophylla réside dans ses rendements jugés trop faibles pour justifier une culture intensive.
Toutefois, certains auteurs spécialisés notent que l’espèce n’a pas bénéficié d’un véritable travail de sélection variétale.
Cela signifie que son potentiel pourrait être optimisé dans le cadre de programmes d’amélioration génétique, notamment via des croisements interspécifiques avec des cultivars existants.
Mais, en l’état, Coffea stenophylla pourrait tout aussi bien être valorisé en tant que café de terroir à part entière, avec une identité sensorielle propre.
Une qualité gustative remarquable qui séduit les experts
Si Coffea stenophylla eveille aujourd’hui l’intérêt des chercheurs et des producteurs, c’est aussi pour ses qualités gustatives. Dès le XIXe siècle, plusieurs botanistes et explorateurs rapportaient une saveur jugée supérieure à celle de l’arabica.
Ces observations, corroborées par des dégustations plus récentes, laissent entrevoir un potentiel différenciateur important. Dans un marché de plus en plus attentif à l’origine, à la traçabilité et à la complexité aromatique, Coffea stenophylla pourrait trouver sa place sur des niches haut de gamme.